Duà

Archives 2006-2010

Jane Evelyn Atwood

Sentinelles de l’ombre

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Bien longtemps après que les guerres soient finies, et durant de longues années, elles poursuivent leur sinistre travail. Elles sont disséminées partout dans le monde et polluent près de cent pays. Elles font une victime toutes les 30 minutes. Ce sont les mines antipersonnel, dispersées dans les campagnes et les villages, dissimulées près des habitations pour mieux tuer, déguisées de couleurs vives pour mieux tromper les enfants. Le Traité d’Ottawa de 1997, qui valide l’interdiction de leur utilisation, de leur stockage, de leur fabrication, de leur transfert et oblige à leur destruction, n’a pas encore pris complètement effet dans tous les pays que ces armes sournoises ont déjà leurs tristes relèves : les BASM, bombes à sous-munitions, utilisées massivement lors des derniers conflits.

Jane Evelyn Atwood s’est interrogée sur les milliers de victimes de ces armes, dont 85% sont des civils et près d’un quart d’entre eux sont des enfants. En 2000, elle commence un reportage au Cambodge à la demande d’Handicap International, puis durant les années suivantes, elle décide d’elle-même de poursuivre cette enquête dans d’autres pays, au Mozambique, en Angola, en Afghanistan, au Kosovo,…Avec la rigueur et l’humanité qui la caractérisent, elle rassemble images et témoignages pour nous amener à découvrir et comprendre ces mutilés d’une guerre sans nom. Les paroles qu’elle recueille auprès d’eux accompagnent ses photographies et nous disent comment ils parviennent à revivre, sans bras, ou sans jambes, comment ils imaginent leur avenir avec leur infirmité. En plus de la mort, la mutilation fait partie de la stratégie ignoble de telles armes : les victimes sont fréquemment dans l’incapacité de travailler et deviennent un fardeau pour leur famille qui, souvent, vivent déjà dans des conditions misérables ; leur vie sociale est profondément perturbée et se traduit couramment par un rejet ; les faibles moyens sanitaires locaux sont monopolisés par ces accidents ;… En plus de chaque individu traumatisé et estropié pour la vie, c’est souvent tout un pays qui est pénalisé par une guerre sans fin. Ainsi que l’écrit Jane Evelyn Atwood : « Lorsque tant de gens ne peuvent pas travailler, quand la terre ne peut pas être cultivée, l’économie elle-même devient handicapée »*. Ni mièvrerie ni voyeurisme dans ce reportage, mais un regard clair et lucide sur l’un des fléaux de ce monde contemporain, un regard qui nous aide aussi à prendre conscience et à transformer notre peur de l’autre, si différent, en une saine révolte.