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Thèse Doctorat / Annie-Laure Wanaverbecq

PESTI NAPLÓ, KÉPES MÜMELLÉKLET, un magazine photographique hongrois 1924-1939

Annie-Laure Wanaverbecq (1953 -2017) fut la première directrice de la Maison de la Photographie Robert Doisneau.

Elle a proposé pendant plus de 17 ans (de 1996 à 2013) une programmation exceptionnellement riche, valorisant en plus de 70 expositions différents aspects de la photographie humaniste et présentant des auteurs aussi divers que Stanley Greene, Lucien Hervé, Claude Dityvon, Jane Evelyn Atwood, Guy le Querrec, Sergio Larrain, Hervé Gloaguen, Izis, Andréas Feininger, Isabelle Muñoz, etc.

Elle a créé en 2002, le programme La Photographie à l’école, expérience pédagogique précurseure en France qui, depuis cette date, est inscrit dans la programmation annuelle de la Maison Doisneau.

Parallèlement aux nombreux projets qu’elle a présentés à la Maison de la Photographie Robert Doisneau, Annie-Laure Wanaverbecq a enseigné à l’Ecole du Louvre et a publié plusieurs ouvrages de référence sur la photographie et son histoire : Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Humanisme et Photographie, Photographies hongroises 1919-1939, Izis à travers les archives photographiques de Paris Match, Felice Beato en Chine : Photographier la guerre en 1860, Les Années Viva : 1972-1982 ou encore La Photographie par les enfants. Commissaire de nombreuses expositions, elle a été co-auteur, avec Michel Frizot, de l’importante rétrospective consacrée à André Kertész présentée au Jeu de Paume en 2010.

Historienne de la photographie, chercheuse hors pair, personnalité discrète, Annie-Laure Wanaverbecq a été une « défricheuse » infatigable et passionnée. Elle fut notamment l’une des grandes spécialistes françaises de la photographie hongroise et a soutenu en 2014 une thèse sur Pesti Napló, Képes Mümelléklet, un magazine photographique hongrois, 1924-1939. Ce remarquable travail de plusieurs années a souligné la montée en puissance de la photographie dans la presse hongroise de l’Entre-deux-guerres et l’émergence d’un style photographique qui a marqué l’histoire du médium au 20ème siècle.

Introduit par Michel Frizot, alors directeur de thèse d’Annie-Laure Wanaverbecq, l’intégralité de ce travail de recherche est proposée en bas de page en accès libre avec l’aimable autorisation de M. Dominique Delhaye.

Michaël Houlette

 

Introduction Michel Frizot

La thèse Pesti Naplo, Képes Mümelléklet. Un magazine photographique hongrois 1924-1939 de Annie Laure Wanaberbecq, soutenue le 24 février 2014, est un véritable monument de la recherche en photographie. Elle constitue une étude exhaustive et d’une extrême précision du supplément photographique hebdomadaire du quotidien de Budapest, Pesti Naplo, publié entre 1924 et 1939. Ce supplément de 16 puis 12 pages (juin 1930) se caractérise dès le début par l’absence de texte ou d’article, et déroule une grande quantité de photographies accompagnées de courtes légendes, de la pleine page au montage de 10 ou 12 photos dans une seule page, créant d’emblée un objet (de promotion) photographique extraordinaire qui n’a aucun équivalent d’une telle densité et puissance visuelle : plus de 37000 photos publiées en 15 ans (à raison de 40 à 60 par numéro). Le supplément Pesti Naplo est à la fois le produit d’un engouement hongrois pour la photographie (ainsi que pour le design et le graphisme) et la source d’une étonnante émulation photographique qui occupe toutes les années 1930. L’efficacité du magazine se développe autour de la participation d’excellents photographes (Rudolph Balogh, Karoly Escher, Jozsef Pecsi, Ernö Vadas) dont certains vivent à l’étranger (Marton Munkacsi, Lucien Aigner), mais aussi de photographes d’agence, reporters indépendants, ou photographes occasionnels.

Annie Laure Wanaverbecq (1953-2017) nourrissait une véritable passion pour la photographie hongroise. Titulaire d’une licence d’histoire de l’art, d’une maîtrise (1990, Paris IV) consacrée aux photographes étrangers actifs en France dans l’entre-deux-guerres, et d’un D.E.A. (1991, Paris IV) sur André Kertész, elle avait produit en 2004 l’excellente exposition Photographies hongroises 1919-1939 à la Maison Robert Doisneau, et était co-auteur de l’exposition rétrospective et du catalogue André Kertész au Jeu de Paume, Paris, en 2010. La thèse pour laquelle elle s’était inscrite à Paris I sous ma direction était un travail de longue haleine, plusieurs fois interrompu par ses autres activités, qu’elle avait mené avec une opiniâtreté constante, malgré les obstacles inhérents au sujet choisi : difficulté à se procurer l’intégralité des volumes annuels reliés de Pesti Naplo, déplacements en Hongrie, apprentissage de la langue magyare, traduction des légendes d’images…

Appuyée sur un inventaire complet de toutes les photographies publiées dans Pesti Naplo (cf. volumes 2 et 3), la thèse d’Annie Laure Wanaverbecq est également une contextualisation historique et culturelle du phénomène « photographie hongroise », une recherche sur les conditions d’élaboration intellectuelle, matérielle et technique de cet objet médiatique d’une grande originalité, un recensement des intervenants, photographes, agences et autres professionnels. On découvrira à chaque page du volume 1 la pertinence des analyses d’Annie Laure Wanaverbecq, sa conscience des conditions historiques et culturelles en Hongrie, sa large connaissance des esthétiques photographiques qui se déploient dans ce magazine, son goût pour les images et les compositions surprenantes qui font la saveur de Pesti Naplo, la générosité de son approche et sa rigueur descriptive. Nul doute qu’elle aurait apprécié la diffusion de sa thèse que propose ici la Maison Robert Doisneau afin qu’elle vivifie d’autres travaux.

Michel Frizot

Thèse Pesti Napló / Annie-Laure Wanaverbecq